Rôle et mission de l’Expert en justice : Interview de Nathalie Malicet

Rôle et mission de l’Expert en justice : Interview de Nathalie Malicet

Expert-comptable et expert en justice : diversification enrichissante

Sollicités pour évaluer des préjudices au civil comme au pénal, dans des affaires variées où ils peuvent côtoyer des experts d’autres métiers, les hommes du chiffre experts en justice soulignent l’intérêt intellectuel de la fonction.

Se plonger au cœur de l’affaire Bernard Tapie contre le Crédit Lyonnais, ou encore sur le détournement des fonds de l’Association pour la Recherche sur le Cancer : ce sont autant de procès retentissants qui ont fait appel aux compétences des experts comptables experts en justice. Plus généralement, les hommes du chiffre mandatés par les tribunaux pour rendre leurs conclusions lors de procès s’expriment sur une variété de sujets : évaluation d’entreprises en cas de litige entre associés, dommages corporels, évaluation de préjudices économiques subis par l’une des parties, etc. Sur les 21 000 experts-comptables inscrits en France, 500 se sont spécialisés dans la fonction d’expert auprès des tribunaux et la Compagnie Nationale des Experts-comptables de Justice fédère ces professionnels. « Pour exercer auprès des tribunaux, il faut être diplômé d’expertise comptable et inscrit à l’Ordre, explique Michel Tudel, président de la CNECJ. Si l’on ressent une appétence pour le droit et que l’on souhaite travailler sur les affaires ayant des répercussions économiques et faisant appel à nos compétences, il faut ensuite déposer une demande auprès de la Cour d’Appel dont on dépend ».

L’inscription n’est pas automatique, et il faut bien souvent patienter plusieurs années avant d’être accrédité. Une première inscription probatoire de trois ans permet d’évaluer le travail de l’expert de justice : nombre de missions effectuées, rapidité dans le rendu des conclusions, etc.

Expérience et formation

Pour formuler un avis technique dans des affaires pénales ou civiles, l’expérience est prépondérante : il est donc rare de trouver des inscrits âgés de moins de 40 ans et qui ne possèdent pas une dizaine d’années de pratique professionnelle. « La formation est également très importante, explique Michel Tudel. Au moins 30 à 40 heures sont appréciées et il existe un Diplôme Universitaire spécifique ». A la faculté de Toulouse Capitole, le DU «Expertise Comptable de Justice» forme pendant six mois et 180 h, en présentiel et à distance, les professionnels du chiffre désireux de postuler à la fonction d’expert judiciaire. Lesquels font état de spécialisations, ce qui permet aux magistrats de mieux les identifier : « certains confrères sont spécialisés dans des secteurs tels que la banque, l’assurance, ou dans des domaines précis comme la contrefaçon », indique Michel Tudel. Secrétaire du bureau de la CNECJ de Bordeaux-Pau, Nathalie Malicet possède ainsi plusieurs spécialités : fiscalité personnelle et d’entreprise, diagnostic d’entreprise, audit et contrôle interne, questions sociales. « Je traite environ 10 à 15 dossiers par an, relate l’expert-comptable bordelaise. En plus des dossiers classiques, je peux être nommée comme sapiteur, c’est-à-dire comme expert sur un point particulier dans le cadre d’une expertise plus large, hors de mon domaine. Par exemple, dans un litige en droit de la construction ». L’avantage est alors de voir des affaires d’autre nature que purement financière et de côtoyer d’autres professionnels : architectes, ingénieurs, etc.

Un tremplin vers l’audit contractuel

Rémunéré entre 110 et 140 euros de l’heure pour ses missions, l’expert judiciaire consacre parfois plusieurs mois et années à un même dossier. Ce qui implique une forte motivation et une organisation interne. Expert de justice depuis dix ans, Stéphane Kerdat, dirigeant du cabinet breton XO Conseil, témoigne : « Outre la satisfaction de mon goût personnel pour le droit, la fonction d’expert auprès des tribunaux a apporté une diversification au cabinet et une différenciation. Je suis sollicité lors d’affaires très variées et complexes, faisant appel à l’évaluation d’entreprises et au calcul de préjudice : il peut y avoir par exemple des divorces qui impactent l’entreprise détenue par le couple en séparation mais aussi des cas de salariés lésés aux Prud’hommes. La variété des situations est intellectuellement très enrichissante et impacte les conseils que l’on peut prodiguer aux clients du cabinet… Nous les incitons à la prudence ! « Stéphane Kerdat reconnaît en outre que l’expérience acquise en tant qu’expert de justice l’a convaincu de développer de nouvelles missions d’audit contractuel au sein du cabinet. A l’heure où l’audit légal se restreint, l’audit contractuel sonne comme une diversification salutaire.

Journaliste : Olga Stancevic

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